Rapport annuel 2020 de la Cour des comptes : les CCI en question
La Cour des comptes vient de communiquer son rapport public annuel 2020 dont une partie est consacrée aux trois réseaux consulaires. Vous trouverez ci-dessous une rapide analyse du rapport concernant le réseau des CCI. Vous pourrez approfondir davantage les éléments relevés par la Cour en consultant les pages 189 à 226 que vous trouverez dans le document joint.
L’évolution des missions :
Concernant les CCI, la Cour constate que leurs activités ne relèvent pas toutes du service public tout en évitant de rentrer dans une définition trop précise de ce qui pourrait constituer actuellement un service public. Elle souligne avec justesse que les missions ont le plus souvent résulté des nécessités économiques historiques.
Elle constate aussi la réduction progressives des missions en citant notamment la fin des CFE devant être remplacés par un service électronique dématérialisé, en omettant toutefois de préciser que les CCI les avaient mis en place à la demande des pouvoirs publics au début des années 80. La Cour relève aussi que le bouleversement du financement de la formation professionnelle a aussi réduit significativement le champ d’action des CCI. Enfin, la Cour rappelle que les Régions ont créé leurs propres réseaux d’Agences de développement économique (sans y intégrer les CCI).
D’une façon davantage lapidaire, la Cour relève que les entreprises ne se sont pas senties soutenues par leur CCI au moment de la crise COVID.
Mais peut-on reprocher aux CCI tous ces replis d’activités résultant d’évolutions législatives qu’elles n’ont pas sollicitées ?
L’impôt versé aux CCI :
La Cour des comptes aborde ensuite la fiscalité affectée aux CCI (TACFE + TACVAE) dont elle estime la « justification incertaine ». les réductions de ressources apparaissent de façon évidentes dans les tableaux . Cela étant, on constate parfois des différences importantes entre l’impôt collecté par l’Etat pour le compte des CCI et ce qui leur a été effectivement reversé (2014 et 2015). Peut-être la Cour aurait-elle pu relever que ces écarts ne devraient pas exister s’agissant d’un impôt affecté, d’autant que l’argument de l’Etat était qu’il fallait réduire cet impôt pour aboutir à une baisse des prélèvements obligatoires qui pèsent sur les entreprises…
Les Ressources Humaines
La Cour constate des réductions d’emploi significatives. Mais elle relève aussi que les réductions ont touché des effectifs opérationnels (conséquence prévisible des réductions du champ d’action des CCI), alors que les effectifs affectés au fonctionnement institutionnel ont été maintenus. D’où l’alourdissement des frais de structure constaté par la Cours.
N’oublions pas non plus que le développement du fait régional consulaire a généré un besoin d’interfaçage qui a considérablement alourdi le fonctionnement des CCI territoriales.
La Cour s’interroge aussi sur le business model des CCI :
Elle se pose la question de la viabilité du nouvel édifice.
« Espérer que les utilisateurs d’hier deviendront demain des clients acceptant de payer des prestations qu’ils n’avaient pas à payer ou presque relève d’un pari audacieux. »
Elle s’interroge ensuite sur la pertinence de l’action nouvelle des CCI « Imaginer de nouvelles offres pour atteindre un tel objectif suppose une connaissance précise des besoins à satisfaire, des acteurs présents sur le marché et des segments de marché sur lesquels l’offre des CCI pourrait être la plus pertinente. »…« les investissements dans la formation des collaborateurs, dans les systèmes d’information pour disposer de bases de données clients enrichies, qualifiées et exploitables, dans le marketing et la publicité, restent encore limités »
On pourrait aussi ajouter au rapport de la Cour des comptes que les instruments de contractualisation avec l’Etat sont autant d’éléments bloquant cette évolution économique nécessaire car ils cantonnent les CCI dans une logique généraliste et une prestation de type « guichet ».
La Cour relève enfin que « ces services payants se trouvent en concurrence avec des prestations proposées par de nombreux intervenants déjà présents sur le marché du conseil aux entreprises, comme les experts-comptables ou les cabinets juridiques et fiscaux, et les segments de marché non couverts offrent peu de perspectives de rentabilité ».
Voudrait-on formuler poliment que la messe est dite ? On ne s’y prendrait pas autrement.
Vers un scénario à l’espagnol ?
« La transformation des CCI et des CMA en prestataires de services, financés non plus par une taxe affectée payée par les entreprises, mais par le produit de l’activité des chambres, correspond à l’évolution la plus logique dans une optique de bonne utilisation des deniers publics. »
On sait que les CCI d’Espagne, depuis un décret-Loi du 3 décembre 2010, ont dû, dans un délai très court, construire un modèle sans ressources fiscales. A l’évidence, c’est ce modèle qui inspire les magistrats de la rue Cambon.
Conclusion de cette partie :
La Cour n’hésite pas à remettre en question l’existence des édifices consulaires : « …Une évaluation complète et sans tabou de l’utilité des réseaux consulaires pour les entreprises est indispensable. Elle devra permettre de vérifier la légitimité du maintien du financement public qui leur est accordé. »
Le Gouvernement, de son côté, semble adhérer à la démarche et se dit prêt à conduire la réflexion à l’échéance des contrats d’objectifs et de moyen en cours de validité.
Observations de l’ADEPAR :
Ce que l’on peut ou doit lire entre les lignes :
La Cour des comptes semble assez peu convaincue par les orientations de la Loi PACTE concernant l’évolution du modèle des CCI qu’elle estime sans doute trop optimiste.
En revanche, la Cour affiche clairement qu’une concentration régionale rationnelle serait un minimum acceptable (ce qui est loin d’être l’ambition actuelle du réseau).
Sans doute qu’une régionalisation, à marche forcée, permettrait de gagner quelques années de répit… mais le jeu en vaut-il la chandelle ??? Notons que derrière ce modèle, se profile celui de CCI de type anglo-saxon. Elles entreraient alors en concurrence frontale avec les regroupements de chefs d’entreprise comme le Medef ou la Cpme.