Article des Echos du 25 mai 2014
Objet:Les chambres de commerce à nouveau dans le collimateur du gouvernement
Un article des Échos 20/05/2014
Les CCI dénoncent un risque de « casse sans précédent ».
Appelés à participer au plan de 50 milliards d'économie, les quelque 1.200 opérateurs et agences de l'Etat sont dans le viseur de Bercy. Mais certains le sont plus que d'autres. Régulièrement pointées du doigt, les chambres de commerce et d'industrie (CCI) font l'objet d'une mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF), des affaires sociales (Igas) et du Conseil général de l'économie (CGEIET). Et son rapport, attendu pour le début de l'été, s'annonce explosif. Selon des documents de travail obtenus par « Les Echos », les auteurs reprochent aux CCI d'être mal gérées, d'intervenir « dans des champs où agissent parfois de multiples acteurs », de disposer encore d'un réseau « très atomisé » et, surtout, de bénéficier d'une « situation financière confortable ».
La plongée dans les comptes est éloquente : de 2002 à 2012, le produit de la taxe affectée aux CCI (taxe pour frais de chambre) a bondi de 19 % en euros constants. Un dynamisme injustifié, selon le rapport : « Depuis 2002, l'Etat a affecté au réseau des CCI un financement qui excédait ses besoins, ce qui a permis l'accumulation de réserves financières très conséquentes. » Pour preuve, le niveau élevé des fonds de roulement ou encore la politique salariale « dynamique » du réseau consulaire (+ 35 % entre 2004 et 2012). Et les auteurs d'estimer le « trop versé » aux CCI entre 132 millions et 206 millions en moyenne par an.
Pour casser cette tendance, Bercy a déjà abaissé le plafond de la taxe affectée et ponctionné 170 millions sur le fonds de roulement cette année. Mais le rapport propose d'aller bien plus loin. Par exemple, en procédant à un prélèvement supplémentaire dès le collectif budgétaire de juin pour « corriger le trop versé des dernières années ». Ou encore en réduisant la taxe pour frais de chambre dès 2015, pour la ramener à un niveau correspondant réellement aux besoins des CCI. Une autre proposition choc concerne les activités marchandes des CCI (formation continue, concessions...). « Des activités marchandes déficitaires sont financées par le produit de la taxe pour frais de chambre, ce qui n'est pas conforme à la législation », dénonce le rapport. Conséquence, ces activités devront être « rentabilisées ou abandonnées » d'ici à 2017.
Le rapport prône aussi une refonte du réseau avec l'objectif de ramener le nombre de CCI de 145 aujourd'hui à... une par région d'ici à 2017 ! « La pleine régionalisation est un vecteur d'économies et de rationalisation puissant », jugent les auteurs, qui préconisent par ailleurs de « mieux encadrer » les rémunérations des cadres dirigeants.
Mises bout à bout, toutes ces propositions doivent permettre de réduire la taxe pour frais de chambre d'un tiers d'ici à 2017, soit de près de 400 millions d'euros. Il s'agit de « rationaliser le fonctionnement des réseaux consulaires » mais aussi d'« alléger la fiscalité des entreprises », insiste le rapport provisoire.
Les CCI ayant eu vent de ce scénario noir viennent d'envoyer une lettre à Manuel Valls dénonçant le risque de « casse sans précédent » qui résulterait de ces mesures. Une nouvelle baisse drastique de leur ressource « aurait des conséquences irréversibles pour le développement économique ». Dénonçant « des chiffres irresponsables qui circulent », les CCI évoquent un risque de suppression de 6.000 emplois (sur les 26.000 du réseau) ou encore la fermeture d'ici à 2017 de nombreux aéroports (Agen, Besançon, Lannion, Strasbourg...), de ports de pêche et de commerce (Reims, Mâcon), de parcs d'exposition et de commerce. « Laisser faire (...) remettrait en cause l'existence même des CCI », préviennent-elles.
Selon nos informations, Bercy ne devrait pas toucher aux CCI pour boucler son plan de 4 milliards d'économies supplémentaires pour 2014, qui sera présenté le mois prochain. Mais ce répit sera de courte durée, alors que la lettre de cadrage pour 2015-2017 prévoit une baisse de 6 % du budget des opérateurs. ■
Les chiffres clefs des CCI
Le budget en 2012. La taxe pour frais de chambre représente 35,1 % des ressources des CCI, après le chiffre d'affaires (40,8 %).Le nombre d'employés (en équivalent temps plein). La moitié des effectifs sont concentrés dans l'appui aux entreprises.
Droit de reproduction et de diffusion réservé © Les Echos.fr